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Bonifier le SRG : un correctif pour redonner des étés aux personnes aînées moins nanties

Alors que plusieurs personnes retraitées rêvent à des vacances d’été bien méritées après toute une vie à travailler, d’autres doivent y renoncer faute de moyens. Car qui dit vacances dit nécessairement aussi dépenses. Et la question des dépenses en est une qui est sérieuse pour les personnes qui reçoivent le Supplément de revenu garanti (SRG).

En matière de finances personnelles, il y a ce qu’on appelle des dépenses fixes, qu’on peut définir comme les dépenses régulières et constantes, comme le loyer, la facture d’électricité ou les assurances. Il y a aussi les dépenses variables, qui sont dites « discrétionnaires », comme l’alimentation, l’essence, les sorties et, bien sûr, les vacances. Les dépenses discrétionnaires sont celles qui sont mises de côté lorsque nous n’avons pas les sommes nécessaires pour les payer. En ce sens, les vacances d’été sont une dépense discrétionnaire. De manière conséquente, les personnes les plus pauvres, notamment les personnes aînées bénéficiaires du SRG, sont celles qui auront le plus de difficulté à mettre de l’argent de côté pour se payer des vacances.

Cela étant dit, si on prend la Mesure de faible revenu (MFR) au Québec, qui définit le taux de pauvreté comme la part des gens d’une population donnée qui dispose de moins de 50 % du revenu médian de la population totale, on se rend compte que la part des personnes aînées qui se trouvent sous ce taux a tendance à augmenter. En effet, entre 1996 et 2022, le taux de personnes qui étaient à la source du principal revenu du ménage de tout âge confondu est passé de 20,5 % à 18,5 %, ce qui revient à dire que le taux est demeuré stable1. Mais si on isole les personnes de 65 ans et plus, on voit que ce taux est passé de 17,6 % à 28,9 %. On nous dira que c’est l’effet de la pandémie, ce à quoi nous pouvons répondre qu’en 2019, ce taux était de 36 %.

À la lumière de ces données, rappelons qu’atteindre tout juste le seuil de la MFR ne signifie pas pour autant qu’il sera question de vivre une vie luxueuse. Tout au contraire. Le seuil de la MFR signifie simplement que nous avons un revenu suffisant pour couvrir les besoins de base, soit l’alimentation, le logement, le transport et quelques coûts liés à la santé. Les revenus minimaux liés à ce seuil n’incluent pas les vacances. Autrement dit, atteindre le seuil de la MFR permet difficilement de dépenser au-delà des dépenses fixes.

Le plus récent rapport de l’OCDE2 sur les pensions note d’ailleurs que le Canada fait partie des rares pays où la pauvreté a progressé davantage chez les aînés que chez les jeunes adultes. Ce n’est pas tant le fruit d’une décision politique consciente que le résultat d’un laisser-aller prolongé dont les effets s’accumulent avec le temps. L’écart entre les revenus des aînés pauvres et le revenu médian demeure parmi les plus faibles de l’OCDE, ce qui signifie qu’un effort modeste pourrait produire des résultats significatifs.

Dans le même ordre d’idées, dès 2013, le rapport D’Amours soulignait déjà que l’indexation du Supplément de revenu garanti (SRG) à l’inflation ne suffisait pas à suivre la croissance des salaires. À ce rythme, affirmait-on dans le rapport, la couverture offerte par le SRG allait devenir de plus en plus inadéquate par rapport aux coûts de la vie permettant une inclusion sociale réelle.
Il y a cependant des actions politiques possibles.

Par exemple, le gouvernement fédéral a choisi de bonifier la Sécurité de la vieillesse (SV) à partir de 75 ans en 2022. Bien que cette mesure touche un plus grand nombre de personnes, il est nécessaire de l’améliorer pour lutter efficacement contre la pauvreté chez les personnes aînées. C’est d’ailleurs pourquoi l’AREQ réclame que la SV soit bonifiée encore plus tôt, soit dès 65 ans.

Beaucoup de personnes âgées disposent de bonnes pensions ou d’actifs suffisants pour assurer la capacité financière de se payer de temps à autre des voyages et des vacances. Ce ne sont pas elles que le SRG vise à soutenir. Ce programme ciblé a longtemps été salué pour avoir contribué à réduire la pauvreté chez les 65 ans et plus. Considérant que le Canada est un pays riche, développé, qui fait partie du G7, considérant que nous sommes plus riches qu’au tournant du siècle, nous devrions au minimum être capables de préserver nos acquis sociaux… et de nous offrir de petites vacances, même à la retraite !


1 Institut de la statistique du Québec, https://statistique.quebec.ca/fr/produit/tableau/taux-faible-revenu-mesure-menages-particuliers#tri_type_menage=5&tri_type_revenu=5
2 https://www.oecd.org/fr/publications/panorama-des-pensions-2023-version-abregee_91c89a7c-fr.html

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