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Je me souviens… vraiment ?

Printemps 1983. Les syndiqués de l’État se remettent avec peine du traumatisme causé par l’imposition de leurs conditions de travail sur fond de crise économique majeure.

Comment diable en sommes-nous arrivés là ?

Pour comprendre, il nous faut remonter jusqu’à la naissance du premier Front commun intersyndical, en 1972, le début d’une décennie de gains syndicaux forts significatifs.

1972

  • Obtention du salaire minimal de 100 $ par semaine
  • Apparition d’une clause d’indexation des salaires au coût de la vie
  • Création du RREGOP

1975

  • Assurance salaire de 2 ans pour invalidité
  • Congés de maternité sans solde avec retour sans perte de droits
  • Sécurité d’emploi au 3e contrat
  • Jusqu’à 48,4 % d’augmentation salariale sur 4 ans

1979

  • Inclusion de dispositions anti-briseurs de grève à la loi du travail
  • Maintien de l’indexation des salaires
  • Obtention de congés de maternité de 20 semaines
Puis, catastrophe, le ciel nous tombe sur la tête !

Automne 1981. Le Québec vit une crise économique majeure à laquelle s’ajoute une crise des finances publiques.

  • Le taux de chômage atteint 16 %.
  • Les taux d’intérêt sur les prêts hypothécaires grimpent jusqu’à 21,5 %.
  • Le taux d’inflation affiche 13 %.
  • Le gouvernement du Québec prétend avoir un manque à gagner de 700 millions.

C’est dans ce décor que débute « la non-négociation entre l’État patron et ses salariés syndiqués des secteurs public et parapublic ».

Le 15 avril 1982, le gouvernement convie ses salariés à renoncer volontairement aux hausses prévues pour les 6 derniers mois de leur convention collective, en menaçant de supprimer 17 430 postes et de geler leur salaire. Les syndiqués refusent et proposent plutôt une réouverture des conventions afin de conclure une nouvelle entente d’une durée de 3 ans.

Le gouvernement fait la sourde oreille jusqu’à ce que, en juin 1982, René Lévesque annonce qu’il respectera la hausse prévue pour les 6 derniers mois de la convention, mais qu’il imposera une coupure de 20 % des salaires pour les trois premiers mois de 1983 ; c’est le projet de loi 70, qui impose aussi un gel d’échelons pour une période d’une année.

Le même jour, il présente deux autres projets de loi :

  • Loi 68 – Modifie la formule d’indexation des rentes et fait passer les cotisations au régime de retraite de 60 % employeur et 40 % employés à 50-50.
  • Loi 72 – Crée le Conseil des services essentiels, qui dispose de pouvoirs accrus en cas de conflit de travail dans les services de santé et des affaires sociales.

En septembre 1982, le gouvernement du Québec dépose des offres comportant un gel salarial pour 1983 et de faibles augmentations de salaire pour les années 1984 et 1985. En réponse, le Front commun demande des hausses annuelles de traitement de 12,6 %, 11,9 % et 10,6 %.

L’abîme devient infranchissable, et c’est finalement la loi 105 qui fixera, par décret, les conditions de travail jusqu’au 31 décembre 1985.

Ce qu’il est important de retenir

En 1982-83, il n’y a pas eu de négociation entre le gouvernement et le Front commun. Le gouvernement de l’époque a plutôt recours à des lois spéciales, pour venir à bout de la combativité syndicale :

  • Lois 68, 70 et 72
  • Loi 105 : décret tenant lieu de convention collective pour les 320 000 employés syndiqués des secteurs public et parapublic
  • Loi 111 avec sa kyrielle de sanctions pour forcer le retour au travail des enseignants

En 1983, le gouvernement a tout de même fini par reculer sur deux points majeurs  : la sécurité d’emploi et la tâche des enseignants.

Il a aussi consenti :

  • Le congé sabbatique à traitement différé
  • La rémunération à 100 % des MED
  • Et des augmentations salariales subséquentes de 3,05 % (1984) et 2,26 % (1985)

Aujourd’hui, le souvenir de ces événements s’est estompé et seule demeure la modification unilatérale de la formule d’indexation de nos rentes pour les années 1982 à 1999.

Dans les rondes de négociations qui suivirent, plusieurs améliorations ont été obtenues au chapitre des conditions de travail, dont les salaires.

De nombreuses modifications ont aussi été apportées au RREGOP :

  • Accès au régime de retraite pour les précaires
  • Différents congés crédités sans frais (maternité et invalidité)
  • Modifications aux critères de rachat d’années de congé
  • Programmes de départs volontaires
  • Conditions de départ à la retraite sans pénalité
  • Indexation IPC moins 3 %, minimum 50 %

Ces améliorations au RREGOP coïncident toutefois avec des surplus à la caisse des participants. L’AREQ, de son côté, continue depuis 1985 à réclamer la révision de la formule d’indexation des rentes selon l’IPC, et des solutions en ce sens sont toujours en discussion à diverses tribunes.

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