Aide médicale à mourir : respect et protection
Un de vos proches a obtenu un diagnostic de maladie neurodégénérative tel que la maladie d’Alzheimer. La nouvelle le secoue. Il s’inquiète de ce que deviendront ses conditions de vie lorsqu’arrivera la fin de sa vie. S’il le désire, pourrait-il obtenir l’aide médicale à mourir ? Devrait-il pouvoir y avoir accès ? Faisons le point.
Qu’en est-il actuellement ?
Depuis 2015, la Loi concernant les soins de fin de vie est en vigueur au Québec. De nombreuses balises encadrent la dispensation de ces soins afin d’assurer la protection des personnes vulnérables. Parmi celles-ci se trouve l’aptitude à consentir. Actuellement, toute personne souhaitant obtenir l’aide médicale à mourir doit être capable de prendre une décision libre et éclairée et de l’exprimer jusqu’au moment où l’aide médicale à mourir lui est administrée.1 Dans ce contexte, une personne devenue inapte à consentir à un soin, comme c’est souvent le cas dans les dernières phases de la maladie d’Alzheimer, ne peut demander l’aide médicale à mourir.
Actuellement, toute personne souhaitant obtenir l’aide médicale à mourir doit être capable de prendre une décision libre et éclairée et de l’exprimer jusqu’au moment où l’aide médicale à mourir lui est administrée.
Critères permettant l’accès à l’aide médicale à mourir
Seule une personne répondant aux critères suivants peut obtenir l’aide médicale à mourir :
- Être assurée au sens de la Loi sur l’assurance maladie ;
- Être majeure et apte à consentir aux soins ;
- Être en fin de vie2 ;
- Être atteinte d’une maladie grave et incurable ;
- Avoir une situation médicale caractérisée par un déclin avancé et irréversible de ses capacités ;
- Éprouver des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions jugées tolérables.
Source : Loi concernant les soins de fin de vie, art. 26
Permettre une demande anticipée d’aide médicale à mourir ?
Une personne ayant obtenu un diagnostic de maladie neurodégénérative cognitive, comme la maladie d’Alzheimer, devrait-elle être autorisée à formuler à l’avance une demande d’aide médicale à mourir ? Ce soin devrait-il lui être administré au moment prédéterminé même si la personne n’est plus apte à consentir lorsque l’aide médicale à mourir lui sera administrée ? Comment respecter l’autonomie décisionnelle de chacune et chacun tout en veillant à la protection des personnes vulnérables ? La question est complexe et soulève des enjeux éthiques majeurs.
En mars 2021, les membres de l’Assemblée nationale créaient la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie. Le mandat qui lui était confié consistait à conseiller les parlementaires sur l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes inaptes à consentir ainsi que sur les critères qui devraient baliser l’accès à ce soin.3 Pour mener à bien ce mandat, la Commission a tenu des consultations auprès d’experts et de représentants de la population. L’AREQ a pris part à cet échange afin d’y faire entendre la parole de ses membres.
Respecter l’autonomie des aînés et protéger les personnes vulnérables
La réflexion de l’AREQ au regard de l’aide médicale à mourir s’appuie sur un principe fondamental : le respect de l’autonomie décisionnelle des personnes aînées allié à la protection des personnes vulnérables. Les aînés sont des personnes aptes à prendre leurs propres décisions ; ils doivent être respectés tout autant que protégés.
Forte de cette conviction, l’AREQ s’est prononcée en faveur d’une modification de la Loi concernant les soins de fin de vie afin de permettre aux personnes atteintes de maladies neurodégénératives cognitives, comme la maladie d’Alzheimer, de formuler une demande anticipée d’aide médicale à mourir. Un sondage mené auprès de nos membres a mis en lumière leur appui massif : 94 % des répondants se disent favorables à cette possibilité. La voie à suivre ne peut être plus claire.
Un sondage a été mené auprès des membres de l’AREQ. La situation suivante a été soumise :
Une personne reçoit un diagnostic de démence. Alors qu’elle est encore apte à décider, elle demande de façon anticipée de recevoir l’aide médicale à mourir à un moment qu’elle aura choisi même si elle n’est plus capable de donner son consentement lorsque l’aide médicale à mourir lui sera administrée. Seriez-vous favorable ou non à ce que cette personne soit autorisée à demander à l’avance que l’aide médicale à mourir lui soit administrée à un moment qu’elle aura déterminé, même si au moment de recevoir l’aide médicale à mourir, |
Un diagnostic préalable
Lors de ses consultations, la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie a énoncé la question suivante : une personne pourrait-elle formuler une demande ou une directive anticipée d’aide médicale à mourir au cas où elle serait victime d’un accident vasculaire cérébral ?5
L’AREQ a recommandé aux membres de la Commission de rendre obligatoire l’obtention d’un diagnostic préalablement au dépôt d’une demande anticipée d’aide médicale à mourir. Il apparaît essentiel qu’une personne ait reçu un diagnostic avant d’être autorisée à formuler une demande anticipée. Cela permettra, notamment, d’échanger avec un professionnel de la santé et assurera à la personne concernée l’accès à toute l’information nécessaire quant à l’évolution prévisible de sa situation.
Toutefois, l’AREQ a rappelé sa grande inquiétude en ce qui a trait aux difficultés d’accès à un médecin de famille pour des milliers de personnes aînées. Cette réalité doit être considérée dans l’établissement des critères d’accès à une demande anticipée d’aide médicale à mourir.
Interdire tout consentement substitué
Dans ses prises de position à propos de l’aide médicale à mourir, l’AREQ est toujours guidée par la recherche de l’équilibre entre le respect de la dignité et la protection des personnes vulnérables. Dans cette perspective, nous nous opposons avec vigueur au consentement substitué pour une demande anticipée d’aide médicale à mourir. Le consentement substitué, qui autorise à accepter ou à refuser un soin au nom d’une autre personne, ne devra jamais permettre l’administration de l’aide médicale à mourir. Il nous apparaît totalement inacceptable que l’aide médicale à mourir soit administrée à une personne autre que celle qui en a fait la demande. Les droits des aînés vulnérables doivent être protégés, et leur dignité, respectée.
Les membres de l’AREQ appuient massivement la possibilité de formuler une demande anticipée d’aide médicale à mourir.
Une demande ou une directive ?
Dans l’éventualité où une demande anticipée d’aide médicale à mourir pourrait être formulée, devrait-elle être considérée comme une demande non contraignante que l’équipe médicale ne serait pas obligée d’appliquer ou plutôt comme une directive devant obligatoirement être exécutée ?
Pour les membres de l’AREQ, la réponse à cette question est sans équivoque. Lorsque sondés sur cet élément, 90 % d’entre eux indiquent souhaiter que la demande anticipée d’aide médicale à mourir soit respectée intégralement par les professionnels de la santé et par leurs proches. Pour eux, il ne s’agit pas que d’une simple demande mais bien d’une directive qui constitue l’expression de leurs volontés et qui doit être mise en œuvre lorsque le moment sera venu.
Vivre dans la dignité
Les membres de l’AREQ appuient massivement la possibilité de formuler une demande anticipée d’aide médicale à mourir.
Il est toutefois essentiel d’insister sur le fait que cette option ne doit jamais être envisagée par les personnes aînées en raison des mauvaises conditions de vie qui leur sont imposées. Opter pour l’aide médicale à mourir ne doit pas devenir une réponse aux mauvaises conditions de vie offertes aux aînés du Québec en fin de vie. L’accès à l’aide médicale à mourir à la suite d’une demande anticipée ne doit jamais devenir un raccourci pour éviter de prendre les moyens nécessaires pour assurer les soins et les traitements appropriés aux personnes atteintes de maladies neurodégénératives cognitives. Pour l’AREQ, il en va de la dignité des personnes aînées.
Un projet de loi à venir
Lors du dépôt de son rapport en décembre dernier, la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi sur les soins de fin de vie a recommandé que l’Assemblée nationale autorise les personnes majeures et aptes ayant obtenu un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l’inaptitude à formuler une demande anticipée d’aide médicale à mourir. Le ministre de la Santé et des Services sociaux a indiqué recevoir cette recommandation avec ouverture, et le premier ministre du Québec a manifesté son désir que l’Assemblée nationale adopte rapidement les modifications législatives nécessaires. Au moment d’écrire ces lignes, aucun projet de loi n’a été déposé.
L’AREQ demeurera à l’affût afin de veiller au respect des droits des personnes aînées du Québec.
¹ La Loi concernant les soins de fin de vie a été modifiée en juin 2021 afin de permettre l’administration de l’aide médicale à mourir aux personnes en fin
de vie devenues inaptes à consentir aux soins peu de temps après avoir formulé une demande https://www.msss.gouv.qc.ca/ministere/salle-de-presse/communique-2941/.
2 Le critère de fin de vie a été rendu inopérant à la suite du jugement Beaudoin de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Truchon et Gladu.
3 Les membres de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie
devaient également se prononcer sur l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes dont
le seul problème médical est un trouble mental. L’AREQ ne s’est pas prononcée sur cet enjeu.
4 Le sondage a été mené par la firme CROP en mai 2021. Au total, 1 158 membres de l’AREQ ont répondu au questionnaire. La marge d’erreur maximale est de 2,8 % à un niveau de confiance de 95 %. Les résultats ont été pondérés selon l’âge, le sexe et la région.
5 Assemblée nationale du Québec (2021). Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie – Document de consultation, page 21.
http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/cssfv/mandats/Mandat-44835/index.html