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Les Premières Nations au Québec

Nicole O’Bomsawin

Cet article est une collaboration entre l’autrice et l’interviewée. L’autrice est allochtone et enseigne depuis 2012 à l’Institution Kiuna, établissement de niveau postsecondaire, et est la fière collègue de Nicole O’Bomsawin. L’entrevue a été réalisée le 21 décembre 2020 en vidéoconférence.

Plusieurs évènements ont récemment attiré l’attention sur les minorités et leurs revendications. Au Canada, l’année s’est ouverte avec les manifestations des Wet’suwet’en dans l’Ouest. Cet automne, un conflit entre pêcheurs néoécossais et mi’kmaqs a dégénéré, résultant en des actes de vandalisme contre des usines de homards utilisées par les pêcheurs des Premières Nations et même un incendie suspect. Entre les deux, le tragique décès de Joyce Echaquan sous les insultes du personnel soignant touchait les Québécois directement au cœur.

Force est de constater une méconnaissance de la réalité des Premières Nations vivant toujours sous la désuète Loi sur les Indiens, que l’anthropologue Nicole O’Bomsawin commente comme suit : « C’est comme si on vivait dans une boîte : les contours de la boîte sont ceux de la loi. »

Une aînée anicinape nous transmet son savoir-faire pour cuisiner de la bannique traditionnelle aux bleuets!

C’est pour lever le voile sur la réalité des Premières Nations que nous l’avons rencontrée. Enseignante, militante, ancienne directrice de musée et kukum (grand-mère) à plein temps, cette conteuse née jette la lumière, à travers son histoire, sur l’influence de la Loi sur les Indiens sur la vie des femmes, place l’importance des aînés dans les communautés autochtones et lance un appel à l’ouverture.

 

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UNE VIE AU SERVICE D’UNE COMMUNAUTÉ

« Quand j’étais enfant, on recevait des anthropologues pour nous étudier, et ils passaient des heures à parler avec mon grand-père. Ce que je trouvais ça intéressant ! » Pour les anthropologues d’alors, Odanak, d’où elle est originaire, est une aubaine : sise entre Sorel et Nicolet, cette réserve, comme on disait alors, est facilement accessible, et on y parle français. La nation abénakise, comptant comme deuxième communauté Wôlinak, est majoritairement francophone, comme le sont également les nations atikamekw et innue, contrairement aux nations Mohawk et aux Cri, qui utilisent l’anglais.

Après sa scolarité à la toute nouvelle polyvalente Jean-Nicolet (« je passais d’une école de 130 élèves à une de 2000, imagine le choc ! »), Nicole O’Bomsawin choisit les sciences sociales au cégep, puis se dirige à l’université pour étudier l’anthropologie, de 1974 à 1977.Elle suit ses amies à l’Université de Montréal, qui lui décernera un doctorat honoris causa en 2011.Elle est la première autochtone à recevoir ce titre.

Malgré son désir de « faire son terrain » dans des contrées éloignées, elle revient à Odanak après avoir rencontré l’amour et travaillera à un projet de recherche démographique, avec les Michèle Rouleau (plus tard à Femmes autochtones du Québec) et Ghislain Picard (actuel chef de l’Association des Premières Nations Québec Labrador).

En 1984, Nicole O’Bomsawin se voit confier la direction générale du Musée des Abénakis. Elle quitte néanmoins le musée en 1989 pour entreprendre une maîtrise en muséologie, à la suite de laquelle elle enseignera au cégep de Drummondville, tout en élevant sa famille. Au milieu des années 90, elle retourne – « par conviction ! » – au musée.

Puis en 2012, Nicole s’engage dans la toute jeune Institution Kiuna. Créée l’année précédente à l’initiative du Conseil en éducation des Premières Nations, Kiuna est le seul établissement postsecondaire conçu « par et pour les Premières Nations »1

1 https://kiuna-college.com/fra/la-mission-de-kiuna/ .Des étudiants de toutes les nations sises au Québec fréquentent ce collège qui œuvre, entre autres, à la revitalisation des langues comme l’abénakis. Nicole O’Bomasawin y enseigne l’anthropologie, tout en menant ses activités de conteuse et en offrant divers cours à l’Université du Troisième Âge sur la spiritualité autochtone ou sur la place des femmes des Premières Nations.

LES FEMMES, AU COEUR DE L’ENGAGEMENT

Nicole a été durant 13 ans engagée au sein de Femmes autochtones du Québec, organisme dont les prises de position sur la disparition des femmes autochtones sont bien connues. Le combat qu’elle mène au début des années 1980 : que les femmes ne perdent pas leur statut une fois mariées.

Rappelons que la Loi sur les Indiens est une loi fédérale régissant la vie des autochtones. D’aucuns considèrent que les « indiens » vivant sous cette loi ont un statut de mineur, le gouvernement encadrant tant la gestion des terres que le droit de vote, qui ne sera reconnu au Québec qu’en 1969.Si cette loi a évolué, le cœur en reste le même. Comme le résume Nicole O’Bomsawin : « Tout est formaté – même nos conseils de bande sont un “phénomène” imposé par la loi », loin de la gouvernance traditionnelle des Premières Nations2

La loi décide de l’attribution et de la conservation du « statut d’indien » et les femmes autochtones perdent ce statut en se mariant à un Blanc. C’est à cette injustice que s’attaquent Nicole O’Bomsawin et ses consœurs. Les débats sont parfois acrimonieux si bien qu’à Odanak, les femmes se réunissent au musée, un lieu neutre. Nicole peut faire entendre sa voix parce qu’elle n’a pas perdu son statut, ne s’étant jamais mariée. C’est finalement en 1985 que les femmes pourront choisir librement leur conjoint sans perdre leur identité aux yeux de la loi. Une victoire pour la liberté d’union des femmes des Premières Nations et pour la survie de l’identité culturelle.

2 À ce sujet, écouter les explications d’Alexis Wawalonoath à l’émission Le 15-18, à Radio-Canada : https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/ le-15-18/segments/entrevue/155510/gaslink-blocages-autochtones-mani­festations.

 

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LES AÎNÉS, PIERRE ANGULAIRE DES COMMUNAUTÉS

Il y a toutefois un domaine où la Loi sur les Indiens n’a pas eu d’effets : la place des aînés dans la société. « La relation aux aînés n’a pas été altérée. Elle est toujours importante, nos jeunes le disent ! C’est encore culturellement ancré. On les consulte, on leur demande leur avis, il y a un échange, un respect de ce qu’ils peuvent nous communiquer de leur expérience de vie. Les Blancs n’ont pas réussi à nous casser ça. » Ce respect se voit partout : on les sert en premier lors des banquets, ils sont en tête de défilé lors des marches pour que les suivants ajustent le pas aux leurs, par exemple.

Nicole O’Bomsawin a observé avec tristesse l’impact de la COVID chez les aînés allochtones. « Comment peut-on, dans un pays riche du G7, traiter ainsi des aînés, ceux qui ont bâti le pays ? Je ne sais pas quoi dire à ces gens, mais je peux dire aux dirigeants que ce n’est pas humain. On monte aux barricades parce qu’on maltraite les animaux, et on maltraite ainsi des humains ! »

Chez les Premières Nations, la place des aînés est centrale. Ils sont actifs dans leurs communautés – « Être actif, ça garde jeune ! » –, transfèrent leur savoir aux plus jeunes, gardent vivantes les techniques et les connaissances issues du territoire.« Ceux qui sont passés avant nous, on en est fiers. Et il ne faut pas oublier que les plus jeunes sont les prochains aînés. Un vieil arbre a connu tant d’histoires… »

LA RÉCONCILIATION, UN PAS À LA FOIS

Nicole O’Bomaswin a œuvré tant auprès des Premières Nations que des allochtones. Elle a vu leur relation évoluer depuis 50 ans et se souvient du temps où seule Amnistie internationale appuyait les revendications autochtones. Les choses ont changé, et depuis 10 ans, elles se sont accélérées. Elle perçoit une ouverture des allochtones, une curiosité pour la découverte de sa culture et de celle des autres nations. Alanis O’Bomsawin, Joséphine Bacon et Naomie Fontaine gagnent des prix, on entend Matiu et Samian à la radio, une catégorie a été créée aux Gémeaux, le Dr Stanley Vollant est invité à Tout le monde en parle.Des cégeps travaillent à la décolonisation de leurs programmes. Les cours de langues des Premières Nations affichent complet.

Le Québec s’ouvre (enfin) à ses premiers habitants, même si tous s’entendent sur la désuétude de la Loi «sur les Indiens, obstacle central à la réconciliation. Selon Nicole O’Bomsawin, pour la remplacer il faudra « une vraie négociation, de nation à nation ».

Et comment contribuer à cette reconnexion avec l’autre ?

« Depuis cet été, beaucoup se disent “On vient de frapper un mur”. Maintenant que tu en es conscient, c’est à toi d’aller chercher les informations et de répandre la bonne nouvelle ! On ne convaincra pas les racistes, mais certaines personnes ont juste besoin d’en savoir plus. Parlez aux gens que vous connaissez, parlez à vos enfants, à vos petits-enfants – commencez par là et vous serez surpris – ils vous en apprendront peut-être. La culpabilité ne sert à rien. Vous avez pris conscience des problèmes, il faut maintenant être dans l’action. »

L’entrevue tire à sa fin. Le fils de Nicole est chez elle, tout comme sa petite-fille, dont elle prend grand soin. Mais avant d’aller passer du temps en famille, Nicole ira corriger sa pile de travaux… parce que pandémie ou pas, à Kiuna comme ailleurs, enseigner, c’est aussi corriger.

Prof un jour, prof toujours.

LES PREMIÈRES NATIONS AU QUÉBEC

Il est à noter que les frontières interprovinciales sont des créations du gouvernement du Canada. Ainsi, les instances représentant les Nations du Québec incluent généralement le Labrador, comme l’Assemblée des Premières Nations Québec Labrador. De même, plusieurs nations chevauchent plus d’une province.

Il faut noter aussi que la graphie des différentes nations a évolué au cours des dernières années : on utilise plus souvent une graphie près de l’originale. Par exemple, Abénakis est de plus en plus orthographié « W8banaki ».

LA LITTÉRATURE JEUNESSE

Si vous avez des enfants ou petits-enfants, quelle bonne occasion d’apprendre ensemble !
https://ge.cepn-fnec. com/literature/bookList.aspx

LES LANGUES

Plein de cours en ligne existent et surtout, plein de dictionnaires. Un bel exemple est celui de l’innu-aimun (langue innue).
https://dictionnaire.innu-aimun.ca/Words

La boîte rouge vif, une boîte de médiation culturelle utilisant les nouveaux médias.
http://www.laboiterougevif.com/publications/

LES FILMS

On aime le cinéma. Mais on écoute quoi ? Tout d’abord, ce qui est fait par les Premières Nations. Ainsi, le Wapikoni fait œuvre utile.
http://www.wapikoni.ca/

L’ONF a aussi une liste de films de cinéastes des Premières Nations.
https://www.onf.ca/cinema-autochtone

L’HISTOIRE

La découvrir, par Les Remarquables Oubliés de Serge Bouchard.
https://ici.radio-canada.ca/ premiere/grandes-series/4599/de-remarquables-oublies—les-premieres-nations

L’enseigner, grâce aux activités sur le site du Musée de la civilisation.
https://troussepremierspeuples. mcq.org/

Racontée par les Premières Nations, par le balado Laissez-nous raconter : L’histoire crochie.
https:// ici.radio-canada.ca/premiere/balados/7628/ autochtones-traditions-communautes-langue-territoire

LA MUSIQUE

Découvrez Musique Nomade Nikamowin.
https://nikamowin.com/fr/musique-nomade

POUR DÉCOUVRIR LES CULTURES DES PREMIÈRES NATIONS

Un des meilleurs moyens pour découvrir les cultures des Premières Nations est d’aller à leur rencontre. Tourisme Autochtone Québec a comme mission de créer, au moyen du tourisme, des activités propices au développement social et économique des communautés autochtones du Québec tout en favorisant le rapprochement des peuples. www.tourismeautochtone.com

Sources :
https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/loi-sur-les-indiens
http://www.paricilademocratie.com/approfondir/pouvoirs-et-democra­tie/2996-les-autochtones-et-le-droit-de-vote#:~:text=Au%20Canada%2C%20 les%20Autochtones%20ont,sur%20les%20Indiens%20de%201876
https://apnql.com/fr/nos-nations/
https://ici.radio-canada.ca/premiere/balados/7051/andre-marti­neau-passe-revisite-archives/episodes/445375/premieres-nations-educa­tion-la-macaza-mont-tremblant

Crédit de la photo de couverture : Daniel Picard | epicesduguerrier.com
Autres photos : Tourisme Autochtone

Saviez-vous que l’Inuksuk servait à indiquer la direction à suivre dans le Nord? Ils ont été érigés pour faciliter les déplacements des voyageurs; parfois aussi pour indiquer une cache de caribou, pour marquer les sites où le gibier et le poisson étaient abondants ou encore les endroits ayant servi de campement.

 

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