Devenir grands-parents : un nouveau rôle à apprivoiser
Devenir grands-parents, c’est accueillir une nouvelle vie dans la famille, et avec elle, un flot d’émotions : de la fierté, de la tendresse, une envie de transmettre ce qu’on a appris. Mais parfois, au-delà de la joie, il y a aussi un peu de confusion, des ajustements, ou des émotions plus complexes qu’on n’ose pas toujours nommer.
Certains me disent : « Je suis si contente, mais je ne sais pas trop où me placer. » D’autres se demandent s’ils en font trop… ou pas assez. La grand-parentalité, comme la parentalité d’ailleurs, ne vient pas avec un mode d’emploi et nécessite de se laisser le droit d’apprendre.
Le dilemme de la présence
Quand un petit-enfant arrive, plusieurs grands-parents ressentent une pression, parfois subtile, d’être très présents. Certains pensent : « Si je ne suis pas toujours là, je ne suis pas un bon grand-parent. ». D’autres, au contraire, craignent de trop s’imposer. Ces pensées peuvent créer un malaise. On veut aider, mais on ne veut pas déranger. On veut créer un lien, mais on ne veut pas prendre trop de place. C’est un équilibre délicat.
Qu’est-ce qui est réaliste pour moi, avec mon énergie, mes limites, mon quotidien ? Voilà une question adéquate dans les circonstances. Être présent ne veut pas dire être toujours disponible. Ce qui compte, c’est la qualité du lien, pas le nombre d’heures
passées ensemble.
Si on s’inquiète d’être trop (ou pas assez) présent, le mieux est de s’en remettre à une communication ouverte et franche avec les nouveaux parents. Plutôt que de tenter de deviner ce qu’ils attendent, osons poser la question. Leurs besoins de soutien peuvent varier selon les étapes : un réajustement clair, de part et d’autre, est souvent bénéfique.
Entre transmission et respect des choix
Être grands-parents, c’est souvent ressentir l’élan de transmettre : des souvenirs, des valeurs, des façons de faire. Pourtant, les jeunes parents d’aujourd’hui prennent parfois des décisions bien différentes de celles qu’on a connues. Alimentation, sommeil, écrans, discipline… les écarts peuvent surprendre.
Voir ses conseils écartés ou accueillis avec réserve peut faire mal. Certains se sentent mis de côté, d’autres s’adaptent en silence. Dans ces situations, il peut être apaisant de se rappeler que notre rôle n’est plus d’éduquer mais d’accompagner.
Être une présence fiable, une figure de confiance, sans diriger, permet souvent d’établir un lien plus serein. Cela augmente la probabilité que vos enfants viennent vers vous d’eux-mêmes, par envie, et non par obligation. Cela favorise l’envie de demander et consolide le lien de confiance, tout en minimisant le risque que le nouveau parent craigne d’être jugé ou se sente inadéquat.
Le deuil de la grand-parentalité
Enfin, il faut aussi nommer ceux qui ne deviennent pas grands-parents, même s’ils en avaient profondément le désir. Parfois, leurs enfants n’ont pas eu d’enfants, par choix ou en raison d’une infertilité. D’autres ont été écartés, pour des raisons familiales complexes. Ces deuils sont souvent silencieux, peu validés mais très réels. Un vide s’installe, difficile à exprimer, parfois chargé de culpabilité ou d’incompréhension. Ce n’est pas l’absence d’un rôle, mais l’absence d’un lien espéré qui fait mal. Ces émotions méritent d’être reconnues. Même si on ne choisit pas toujours les liens que la vie nous donne, il reste possible de créer du sens autrement : en tissant des liens sincères avec les plus jeunes, hors du cadre familial traditionnel.
Devenir grands-parents, c’est accueillir un nouveau rôle, parfois avec joie, parfois avec incertitude. C’est naviguer entre le désir d’être utile et la peur d’en faire trop, entre l’envie de transmettre et le devoir de respecter. Et pour certains, c’est aussi faire la paix avec une expérience qui ne viendra peut-être jamais. Dans tous les cas, la grand-parentalité nous confronte à nos limites, à nos attachements et à notre capacité d’adaptation. Trouver sa juste place n’est pas simple, mais c’est un chemin qui peut aussi révéler d’autres formes de lien, de sens et de présence.