Oser dire non – Apprendre l’affirmation de soi après des décennies de compromis
Dans ma pratique, je rencontre plusieurs clientes qui trouvent difficile de respecter leurs limites ou tout simplement de dire non. Tout au long de leur vie, ces femmes portent sur leurs épaules les attentes familiales, professionnelles et sociales de tout un chacun, souvent au détriment de leurs propres besoins. Dire oui pour maintenir la paix, répondre aux besoins des autres avant les leurs, s’effacer pour éviter les conflits : ces automatismes profondément ancrés laissent des traces invisibles mais bien réelles. La retraite marque un moment propice pour revoir ces automatismes et oser dire non.
Pourquoi est-il si difficile de dire non ?
La difficulté à poser des limites prend souvent racine dans la socialisation, qui valorise chez les femmes l’altruisme et la disponibilité. Une revue de Zayas & Shoda (2015) indique que les femmes ressentent davantage de culpabilité ou de peur du rejet lorsqu’elles s’affirment, une tendance qui s’accentue avec le temps. Dire non peut ainsi sembler égoïste ou inapproprié, même lorsque c’est légitime ou nécessaire.
Les conséquences de ne pas dire non et les avantages de s’affirmer
Ne pas poser de limites a des conséquences significatives sur la santé mentale et physique. Répondre constamment aux attentes des autres augmente le niveau de cortisol, l’hormone du stress, entraînant fatigue, anxiété et irritabilité.
De plus, l’incapacité à s’affirmer génère un sentiment d’invisibilité et une perte d’estime personnelle, les besoins non exprimés s’accumulant souvent pour nourrir du ressentiment, tout en exposant les femmes à un risque accru de symptômes dépressifs et d’épuisement émotionnel (Gagnon et Bélanger, 2020).
Apprendre à dire non permet de reconnaître ses besoins comme importants, ce qui favorise une meilleure estime de soi et une satisfaction de vie accrue (Kashdan et Ciarrochi, 2018). Dire non contribue également à réduire le stress en se libérant du sentiment d’obligation, permettant ainsi de consacrer plus d’énergie à ses propres priorités. Enfin, poser des limites claires améliore la qualité des relations en instaurant un climat de respect mutuel.
Des outils pour oser dire non
Afin d’accompagner mes clientes dans cette voie, je leur suggère quelques outils concrets pour apprivoiser le concept de l’affirmation de façon progressive.
La méthode DESC, issue de la thérapie comportementale, permet de refuser avec fermeté et bienveillance. Elle consiste à décrire la situation sans jugement « Je remarque que tu me demandes souvent de l’aide », à exprimer ses sentiments « Je me sens débordée », à énoncer son souhait « Je ne pourrai pas t’aider cette fois-ci », et à conclure l’entretien en proposant une alternative si possible « Mais je peux t’aider à planifier tes prochaines étapes ».
Face au malaise émotionnel que peut provoquer un refus, la pleine conscience est un outil efficace pour accueillir la culpabilité ou l’anxiété sans se laisser envahir. Respirer profondément et observer ces émotions comme des sensations passagères aident à surmonter la pression ressentie.
Il est aussi essentiel de reprogrammer les pensées limitantes. Par exemple, remplacer « Je suis égoïste si je refuse » par « Dire non signifie que je respecte mes limites pour mieux prendre soin de moi et des autres » permet de changer sa perspective et de s’affirmer plus sereinement.
Enfin, il est recommandé de procéder par étapes. Commencer par de petits refus simples renforce progressivement la confiance pour poser des limites dans des situations plus complexes.
S’affirmer pour mieux s’épanouir
Apprendre à dire non après des années de compromis demande du courage. En posant des limites, les femmes reprennent leur place dans leur propre vie, un acte à la fois simple et révolutionnaire. Le chemin vers l’affirmation de soi est libérateur. Il permet non seulement de retrouver son identité, mais aussi de vivre des relations plus authentiques et un quotidien plus en lien avec ses valeurs et ses besoins.
Références
Zayas, V., & Shoda, Y. (2005). Do automatic reactions elicited by thoughts of romantic partner, mother, and self relate to adult romantic attachment? Personality and Social Psychology Bulletin, 31(8), 1011-1025. https://doi.org/10.1177/0146167204274100
Ciarrochi, J., Kashdan, T. B., & Harris, R. (2013). The foundations of flourishing. In T. B. Kashdan & J. Ciarrochi (Eds.), Mindfulness, acceptance, and positive psychology: The seven foundations of well-being (pp. 1-29). Context Press.
Neff, K. D., & Germer, C. K. (2013). A pilot study and randomized controlled trial of the mindful self-compassion program. Journal of Clinical Psychology, 69(1), 28–44. https://doi.org/10.1002/jclp.21923
Albert, P. R. (2015). Why is depression more prevalent in women? Journal of Psychiatry & Neuroscience, 40(4), 219-221. https://doi.org/10.1503/jpn.150205