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Soutien à domicile : une transformation qui s’impose

En janvier 2024, la Commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, publiait un rapport sur les soins et services de soutien à domicile intitulé Bien vieillir chez soi : une transformation qui s’impose. Ce rapport soulève des inquiétudes majeures quant à la capacité de notre système de santé et de services sociaux à répondre aux besoins de la population. Un constat s’impose : notre modèle actuel ne tient pas.

Un système fragile

L’orientation de notre système de soins et services de longue durée met en péril la viabilité des services pour l’avenir. L’écosystème de soutien à domicile, complexe, peu intégré et peu performant, est construit sur des assises fragiles. Parce que cet écosystème tarde à être transformé, trop de nos aînés perdent plus rapidement leur autonomie et se retrouvent en hébergement, cela générant des coûts insoutenables.

Les insuffisances constatées ne sont pas dues aux services offerts. Les professionnels et les acteurs du réseau sont compétents et engagés. Les difficultés viennent plutôt de la gouvernance et de l’organisation du travail. Il est essentiel de changer notre approche pour mieux répondre aux besoins et aux attentes de la population.

Il est essentiel de changer notre approche pour mieux répondre aux besoins et aux attentes de la population.

Des occasions manquées ?

Cette conclusion n’est pas nouvelle. Plusieurs rapports produits dès le début des années 2000 remettaient déjà en cause la pérennité du système de santé et des services sociaux québécois et proposaient des solutions concrètes pour se préparer aux défis actuels et futurs.

En 2004, le gouvernement Charest met sur pied un comité de travail sur la pérennisation du financement du système de santé présidé par Jacques Ménard. Dans son rapport intitulé Pour sortir de l’impasse : la solidarité entre nos générations, le comité énonce clairement que le Québec doit collectivement se doter d’une nouvelle « feuille de route » et se donner les moyens de rendre le système plus viable à long terme pour permettre aux générations à venir de bénéficier d’un système de santé et de services sociaux de qualité, à un coût raisonnable.

Pour ce comité, il est impératif d’améliorer l’organisation générale des services, actuellement trop axée sur les services curatifs et spécialisés et les services institutionnels. En vue de répondre aux besoins grandissants de la population vieillissante,
il faut miser sur le développement d’un éventail de plus en plus large de services légers tels que le soutien à domicile, la consolidation des services de première ligne et l’accent sur la prévention.

Le projet de loi de 2013 sur l’assurance autonomie, déposé par le docteur Réjean Hébert, va dans le même sens, bien qu’il traite plus spécifiquement du soutien à domicile. Pour ce dernier, il faut entreprendre un virage vers le maintien de l’autonomie en vue de permettre à la population de demeurer le plus longtemps possible à domicile, à un coût moindre que si elle était hébergée dans
des établissements publics.

Il propose, tout comme le comité Ménard, de mettre en place une caisse d’assurance autonomie qui permettrait d’assurer la viabilité du financement des soins de longue durée. Or, il est trop tard pour ce faire. Le Commissaire considère qu’en 2024, la constitution d’une caisse d’assurance autonomie poserait un enjeu d’équité intergénérationnelle important. Il faut plutôt changer d’approche et miser sur l’innovation.

Comme le démontre le Commissaire à la santé et au bien-être dans son rapport Le devoir de faire autrement, les soins de longue durée n’ont pas été priorisés par les gouvernements successifs. Malgré l’adoption d’une politique sur le soutien à domicile
en 2003, aucune stratégie en vue d’assurer la viabilité du financement du système de santé n’a été adoptée. Qui plus est, la politique elle-même n’a jamais fait l’objet d’un plan d’implantation.

Un virage à 180 degrés est donc nécessaire pour passer d’un système de soins de longue durée orienté sur l’hébergement à un système qui favorise le maintien de l’autonomie à domicile, comme c’est le cas, entre autres, au Japon, en France ou aux Pays-Bas. C’est à travers ce changement de culture qu’il faut repenser la viabilité du système de santé et de services sociaux et résoudre le problème criant de la viabilité financière des soins de longue durée.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux ne peut porter seul la responsabilité de développer l’écosystème du maintien de l’autonomie.

Peu de réponses aux besoins

Plusieurs problèmes sont effectivement observables en soutien à domicile et mettent en cause sa pérennité.

  • Le vieillissement de la population aura un impact important sur la demande de soins de longue durée.
    Le système public ne répond qu’à 10,4 % des besoins d’heures de services en soutien à domicile. L’hébergement est priorisé dans les services de longue durée.
  • Pour répondre à l’accroissement de la demande de soins de longue durée sans une transformation
    importante de notre système, le gouvernement devra investir près de 9 milliards de dollars de plus par année, construire 2 500 places par année dans les maisons des aînés et recruter 13 700 infirmières et 45 600 travailleurs en soins d’assistance et services de soutien d’ici 2040. Et la réponse aux besoins en soutien à domicile ne serait toujours que de 10 %.
  • Une très faible proportion des usagers du soutien à domicile, soit 10 %, reçoivent 70 % des interventions. Or, une meilleure réponse aux besoins plus légers permettrait de retarder l’institutionnalisation de ces personnes, en conformité avec le souhait de plusieurs Québécois de demeurer le plus longtemps possible à la maison.
S’engager dans un changement collectif pour le maintien de l’autonomie

Une transformation s’impose. Comment ? Voici quelques-unes des recommandations du Commissaire pour engager le changement, qui s’opérera de cette façon :

  • En développant une société favorisant l’autonomie des aînés
    Le vieillissement n’est pas une maladie. Les soins et services de longue durée devraient être intégrés dans une perspective de bien-être tout au long de la vie et organisés selon ce qui est prioritaire pour les personnes. La population souhaite maintenir son autonomie dans ses choix et subvenir à ses besoins le plus longtemps possible.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux ne peut porter seul la responsabilité de développer l’écosystème du maintien de l’autonomie. Le défi à relever interpelle un grand nombre d’autres ministères et, au-delà, l’ensemble de la société québécoise.

  • En augmentant la qualité des services et leur efficience
    Le gouvernement doit donner la marge de manœuvre nécessaire aux établissements afin qu’ils puissent offrir des services adaptés aux besoins de leur population locale, compte tenu des ressources à leur disposition.

L’encouragement et le soutien à la collaboration sont une autre voie permettant de renforcer la performance du système. La collaboration permettrait de réduire le nombre de personnes différentes intervenant auprès du même usager, de diminuer le nombre de déplacements, d’améliorer la connaissance des usagers par le prestataire de services, ainsi que de mieux utiliser les ressources en brisant les obstacles résultant du fonctionnement en vase clos.

  • En adoptant des stratégies d’amélioration de la viabilité financière du système
    Nous devons agir sur de multiples fronts pour améliorer la viabilité financière des soins de longue durée. Outre l’amélioration de la qualité et de l’efficience des services, le gouvernement devra envisager d’autres options, incluant celle d’améliorer la prise en charge à domicile pour contribuer à retarder l’hébergement des personnes en perte d’autonomie et à réduire la durée des séjours en établissement.

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