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C’est pas la fin du monde ?

Cette amie plusieurs fois grand-mère dit : « Pour la première fois, je ne suis pas sûre que mes petits-enfants devraient avoir des enfants… » Voilà une femme combative, informée, qui s’est toujours engagée, dans l’enseignement d’abord, puis par des actions citoyennes et culturelles. A-t-elle perdu tout espoir en l’avenir ?

Elle songe à l’état inquiétant de la planète, avant même d’évoquer la guerre en Ukraine, la pandémie, la montée des autoritarismes, la persistance des inégalités. Elle rejoint ainsi les 70 % de 18-34 ans se disant écoanxieux, qui n’ont pas besoin d’avoir lu le dernier rapport du GIEC pour déplorer la quasi-inaction des gouvernements en matière environnementale.

Plusieurs de ces millénariaux semblent déterminés à ne pas enfanter, pour limiter les dégâts. Je les comprends. Après tout, la Terre survivra à l’espèce animale la plus destructrice qu’elle ait connue. Elle survivra à l’anthropocène comme elle a survécu à l’extinction des dinosaures, comme la nature a refleuri à Tchernobyl.

Ce serait même le meilleur scénario, selon l’une des nombreuses dystopies de la saison littéraire québécoise. Bernard Gilbert, par exemple, imagine sur un millier d’années la disparition inévitable (explosions et hiver nucléaires, montée des eaux, pandémies, grandes migrations suivies de massacres…) puis consentie de l’espèce humaine (Les singes bariolés, Québec Amérique).

À moins que… L’auteure Elsa Pépin met plutôt en scène Iona, une jeune mère qui se réfugie à la campagne pour fuir Montréal submergée par des pluies diluviennes. La catastrophe jette sur les routes des milliers de réfugiés et provoque chez les humains des réactions violemment opposées, de l’entraide à la violence. Après un an de pluie et de nuages, de soleil absent, la nature s’est renouvelée, toute en mousses spongieuses, fougères géantes, champignons. Et Iona de même. Au lieu de se tuer ou d’exploiter les autres, elle s’adapte et combat. Débrouillarde, courageuse, animale, toute son énergie vitale est concentrée sur la possibilité de l’avenir, sur la nécessité de sauvegarder Le fil du vivant (Alto). Car Iona pense : « S’il n’y a plus de mères, le fil est brisé. »

Moi qui suis enfin grand-mère, je regarde rire ma petite-fille, un an bientôt, et je fais acte d’espérance.

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