Personnes aînées : on laisse faire la maltraitance organisationnelle
En vieillissant, je caresse un rêve tout simple, soit de vivre jusqu’à la fin de ma vie chez moi, là où je me sens bien. J’éviterais ainsi ce qui pour moi fait figure de cauchemar : devoir passer les derniers jours de ma vie dans un CHSLD.
Je ne suis pas seul à appréhender un tel sort. Un sondage pancanadien Ipsos révèle que pas moins de 96 % des 65 ans et plus « veulent éviter à tout prix d’y finir leurs jours » ! 1 Les échos de graves irrégularités dans ce type de milieu de vie, s’apparentant à de la maltraitance organisationnelle, y sont certainement pour quelque chose.
Définition de la maltraitance organisationnelle« Toute situation préjudiciable créée ou tolérée par les procédures d’organisations (privées, publiques ou communautaires) responsables d’offrir des soins ou des services de tous types, qui compromet l’exercice des droits et libertés des personnes.2 » |
L’AREQ dénonce avec vigueur la maltraitance organisationnelle. Elle a d’ailleurs fait le point sur ce grave problème dans un mémoire préparé dans le cadre de la consultation en vue de l’élaboration du plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2022-2027.3 L’Association y présente notamment les sources de la maltraitance organisationnelle et de nombreuses pistes d’action pour pallier la pénurie de personnel, la mobilité des équipes de soin, les problèmes occasionnés par le recours à des agences de personnel privées, l’insuffisance de ressources, la vétusté de nombreux CHSLD, l’impunité des personnes maltraitantes, et les lacunes du protocole d’évaluation des établissements. 
Ces anomalies ne datent pas d’hier. Elles perdurent parce que des personnes en autorité – dans les sphères de la politique et de l’administration publique – choisissent de laisser faire.
Elles laissent faire lorsqu’elles s’accommodent, année après année, de l’insuffisance des soins et services offerts dans les CHSLD et qu’elles acceptent dans l’indifférence la détérioration des conditions de vie qui y prévalent.
Elles laissent faire lorsqu’elles ne prennent pas la pleine mesure des nombreux diagnostics, posés notamment par le Protecteur du citoyen, concernant les graves préjudices vécus par les personnes vivant en CHSLD.
Elles laissent faire lorsqu’elles font taire les lanceurs d’alerte qui dénoncent des cas de maltraitance organisationnelle.
Elles laissent faire lorsqu’elles tentent de se dédouaner en affirmant haut et fort : je ne savais pas.
Tous ces faux-fuyants sont mis au jour dans des reportages, des chroniques et des éditoriaux avec une régularité déconcertante. À chaque nouvelle crise, confronté à des faits indéniables, on s’évertue à éteindre le feu.
On n’aurait pas à jouer ainsi au pompier si la préoccupation première du gouvernement et des hauts fonctionnaires était l’élimination des sources de la maltraitance organisationnelle envers les personnes aînées les plus vulnérables. Faire cela n’est pas sorcier. Il faut d’abord organiser les services en fonction de standards élevés, assurant ainsi un hébergement et des soins de qualité. Puis, doter le secteur public de suffisamment de ressources – humaines, financières et matérielles. Enfin, rendre les hauts responsables du réseau de la santé imputables de leurs actions, de leur inaction.4
Pure utopie que cela ? Parfaitement élémentaire plutôt et, de surcroît, absolument incontournable dans une société qui se veut digne de ses aînés.